Positiver est utile, toutefois ce n'est pas forcément une solution universelle. La solution se trouve toujours dans un juste milieu, dans un bon équilibre. Toute exagération dans le bien comme dans le mal, dans le bon comme dans le mauvais est néfaste. Trop positiver au point de trouver tout "fantastique", de considérer les gens absolument "merveilleux" et se considérer soi-même comme "éblouissant" n'appartient pas à un juste équilibre ; car rien n'est sublimement fantastique, et aussi parce qu'aucune personne n'est plus admirable que quiconque, tout le monde a la même valeur humaine intrinsèque à sa condition humaine quoi qu'elle fasse !
Si nous avons réellement au moins quarante mille pensées par jour (pas simple à chiffrer ! Je n'ai pas vérifié je l'avoue), il paraît véritablement impossible de les avoir toutes positives. Le négatif est normal, il réside dans la nature humaine de façon inévitable.
Le négatif a son utilité, les gens négatifs sont plus méfiants, plus vigilants, ils peuvent anticiper les problèmes de façon plus pragmatique. Ils obligent ceux qui reçoivent leurs remarques désobligeantes à s'adapter ou à réfléchir soit pour admettre soit pour progresser. Quelqu'un qui est vraiment optimiste, sans réfléchir, porteur de lunettes roses qui enjolivent tout, est peut être moins armé dans la vie qu'un pessimiste. Il se peut que ce dernier, en doutant, maintienne une pensée active de raisonnement et de développement, alors que l'optimiste forcené se retrouve parfois un peu floué dans ses projets.
Dans certains cas, le négatif peut être très judicieux. D'abord, il est utile pour se défaire de sentiments impossibles à concrétiser. Si une personne qu'on a aimé nous a quitté ou nous repousse, il est très avantageux pour nous d'en penser du mal, on l'oubliera plus facilement. On peut avoir un coup de foudre pour des personnes mystérieuses. Mais en soulevant le voile, on se rend compte que le mystère, lorsqu'il se dévoile, ne révèle que manques et incapacités. Cet amoureux-là est incapable de répondre à l'amour à cause de ses considérations faussées. Mieux vaut en penser du négatif pour s'en dégager au plus vite.
Ou bien le rêve de réaliser le tour du monde nous obsède, mais on ne le peut pas concrètement, on trouvera de bonnes raisons négatives pour tolérer plus facilement cette impossibilité (coût, temps, problèmes de transports, grèves, difficultés pratiques...).
Ensuite, nous avons tous en tant qu'êtres humains des expériences que nous n'apprécions pas ou que nous n'aurions pas voulu vivre. Nous les percevons négativement, c'est logique. Eh bien, ces pensées négatives sont les tremplins pour un futur bonheur. Il n'est nullement évident que tout se déroule bien, nous vivons constamment des contrariétés et on le considèrera comme une certaine norme. Cela atteint, lorsque les choses se déroulent bien, on les apprécie en comparaison, parce qu'un bon déroulement n'est pas un dû, et parce qu'on échappe au négatif et aux entraves habituels. Dans ce cas, le bonheur est proportionnel à la frustration ou à la perte ou au manque enfin comblés ou retrouvés.
Le négatif permet aussi de cesser. Celui-ci signifie "stop", ne recommence pas, il exprime l'exagération, l'excès ou l'anomalie. Il signale qu'il y a un déséquilibre et il sera pris en compte pour cesser les comportements inadaptés et retrouver l'équilibre.
En outre, c'est en comparaison avec le "mal" ou suite à une frustration tolérée que l'on éprouve le "bien" et la joie. Assurément le bien n'a aucun sens sans le mal. Après avoir considéré sans émotions les défauts ou anomalies humaines, la constatation de gestes aimables, d'actes honnêtes ou de tout comportement agréable sera une véritable révélation qui n'aurait pas eu lieu sans cette comparaison. Parce que le mauvais sort est une épreuve, il s'agira de rebondir, d'en sortir et ainsi on pourra se convaincre que toute épreuve débouchera sur le bonheur parce que justement la difficulté a été surmontée. Le positif n'existe qu'en comparaison avec le négatif. Si tout était "merveilleux", comment pourrions-nous comparer et trouver parfois quelques moments merveilleux ? Ce serait une routine de merveilleux où plus rien ne serait apprécié.
Toute progression implique certains déséquilibres, et cela est inévitable.
"Toute difficulté n'est pas un état figé, elle est un instant dans un contexte très particulier, destiné à être affrontée et surmontée." Ce concept porte en soi une dynamique de vie.
Parfois lorsque l'esprit envoie des désirs ou des pulsions qui ne nous conviennent pas ou plus, le négatif sera profitable. On serine le mental d'aspects négatifs pour convaincre l'inconscient de l'inutilité de leur assouvissement. Ce négatif-là est un vrai choix et résulte d'une réflexion. "Mes concepts négatifs me repositionnent dans un juste équilibre" est une juste formule permettant d'arrêter ce qui est devenu exagération.
Les éléments négatifs de la santé, comme l'épuisement, l'humeur dépressive et aussi la douleur, servent à comprendre qu'il y a un problème à trouver et à résoudre. Ils veulent faire percevoir qu'il est vain, par exemple, de chercher à atteindre des buts qui nous sont inaccessibles, qu'il s'agisse d'un adversaire trop fort, d'une femme trop belle(1), d'une prouesse sportive, d'une promotion professionnelle ou d'un concours particulièrement difficile à réussir.
Eviter l'affrontement, là où l'échec est inévitable, est une conduite salubre, une conduite de survie, une forme de sagesse et de reconnaissance du principe de réalité(2). C'est aussi un premier pas vers une réévaluation critique de ses buts et de ses méthodes. Être déprimé est une façon, certes douloureuse, d'enlever les lunettes roses dont j'ai parlé plus haut, d'avoir une vision plus réaliste de soi-même et des autres, de prédire ses capacités et de connaître ses limites, puis, si on en sort, de chercher à les dépasser.
L'utilité potentielle de la dépression ou de la douleur consiste à nous faire changer de rythme et à ralentir jusqu'à ce que le problème émotionnel soit résolu. Il faut en tenir compte et il s'agit plus d'un fonctionnement normal de l'esprit plutôt que d'un dysfonctionnement psychologique. Nos capacités à élaborer et à ressentir des émotions négatives ou des humeurs dépressives sont aussi vitales pour notre santé mentale que la douleur pour notre intégrité physique. La douleur ou la déprime sont des messagers. La maladie est une manière passive de résoudre les obstacles et de progresser. La manière active étant la modification de ses conceptions, de ses pensées, de ses erreurs mentales.
Lorsque votre esprit sera suffisamment entraîné et que vous vous sentirez plus positif et plus fort, commencez à regarder si certains évènements que vous considériez comme négatifs n'ont finalement pas été des occasions de changement. Dans ces circonstances-là, l'impact psychologique peut être considérable, commencez à considérer vos malheurs comme une source de progrès et de réalisation. Avec la pratique, vous parviendrez même à remercier vos épreuves parce que vous verrez en elles une vraie possibilité de profonde transformation.
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